La résonance des miettes / La risonanza delle briciole

La distance est à jamais infranchissable entre la représentation et le réel mais la tension est maximale qui permet à notre tradition d’exploiter toutes les figures de la présence et de l’absence. Ça ne finira donc jamais?

On connaissait deux manières de mettre le réel en boite. Le passage de la forme est, dans la fraction de seconde, une technique de l’oeil chez Cartier Bresson: c’est la subjectivité du photographe qui produit des effets de vérité à partir d’une opération de capture dans laquelle le monde reste un extérieur objectif. A l’inverse, on peut penser que le réel et l’objectivité sont une sorte de vérité propre de l’image, un travail intérieur à l’image elle-même dans la durée qu’elle instaure (on peut dire alors qu’une image travaille comme on dit qu’un bois travaille). Dans les deux cas, on a pu faire de l’image plus vraie que nature, à force de transfiguration. C’était bien. La « photographie du réel », aujourd’hui, propose-t-elle un retour en arrière, une sorte de néo-naturalisme? Non. C’est plutôt l’idée que la photographie du réel n’est ni dans la représentation de l’authentique, une technique de photographe à l’instantané, ni dans l’authenticité de la représentation, une photogénie auto-référencée en quelque sorte dont on voit bien que la prétention se dégrade aujourd’hui.

On a pu chercher dans la photographie la trace du monde objectif. Puis l’image a élevé une prétention à ériger un nouveau monde objectif. Une autre objectivité dont se réclamait notamment le dispositif proposé par Jean-François Chevrier et James Lingwood (Paris-Prato, 1989, Idea-Books). Habiter les images de Massimiliano Marraffa rappelle d’ailleurs le désordre ordinaire d’un Jean-Louis Garnell (Pluidor, 1987, 54 x 70 cm ; La véranda, 1987, neuf épreuves couleur, 23,5 x 29,5 cm), à ceci près qu’on n’y retrouve ni le même éloignement ni, finalement, cet ordre de mise en scène.

A un autre bout du spectre, les Bruits de fond de Massimiliano Marraffa peuvent faire penser aux Natures mortes d’Yves Trémorin (D’ar ger, Rennes, Musée des Beaux-arts, 1999). Mais précisément, Trémorin assume une recherche «de genre» avec laquelle Marraffa propose de rompre. Trémorin est par ailleurs trop près du sujet qu’il découpe et détache du monde en vue d’ériger «l’être» inanimé de la nature morte.

Plutôt qu’un approfondissement, Massimiliano Marraffa cherche un dépassement de la démarche réflexive propre à ce courant objectivant. Ni retour à l’objectivisme, ni retour aux procédés désormais classiques de l’objectivation, son travail s’intéresse à l’objection qui semble sourdre de la scène elle-même, une sorte de résistance à sa saisie par l’image. Il s’agit, en somme, que l’image retiennent l’objection du monde. Et c’est cette retenue, cette réserve qui est présente à l’image sous l’aspect des restes, des traces. En plus de l’image de la chose photographiée, le cliché représente, par un indice, la résistance de la chose à l’épreuve photographique, à l’épreuve que la photographie est susceptible de lui faire subir. La photographie de Massimiliano Marraffa porte ainsi une attention soutenue à tout ce dont on ne peut précisément rendre compte; elle en cherche, de façon réfléchie, des équivalents fonctionnels, en vue précisément de faire travailler l’image.

La photographie ne représente pas le réel et n’a pas à le faire. Comment jouer alors avec la force de l’image pour attaquer notre perception du monde ? Il faut, nous dit Massimiliano Marraffa, qu’il y ait un lien, intérieur à l’image, avec le dehors de l’image qui devient son révélateur. Les théories de l’information n’auraient-elles pas été plus intéressantes si elles avaient fait du bruit le révélateur du message? La trace humide laissée par l’aubergine sur la plaque du four est davantage que l’aubergine, une scène complète. On est en pleine action. A contrario, je pense aux natures mortes de Point it ®, le «picture dictionary» édité par Dieter Graf Verlag à l’ingénuité déictique si caractéristique.

Dans les photographies de Massimiliano Marraffa, au lieu que tout soit parfait, il faut plutôt qu’un grain de sable interdise de faire la «belle image». Ce faisant, le maculé ou le sale n’ont pas la fonction qu’ils avaient lorsqu’était recherchée une autre objectivité. Finalement, on est pas tant que ça obsédé par la rupture avec la belle image; quand bien même Marraffa aurait grandi dans cette rupture. Il n’y a rien de nouveau à montrer dans le sale, mais plutôt quelque chose à faire fonctionner avec le maculé, qui est du registre de l’action, on l’a dit, mais qui, sortant du cadre, exprime surtout le dehors de l’image. Le grain de sable est souvent littéral: de petits reliefs, les miettes, disent l’action de manger et l’émiettement du repas. On ne déjeune pas, en effet, en dressant simplement une table mais en mangeant, ce que des objets trop saillants, la tasse au premier plan, ne sauraient exprimer à eux seuls.

Laurent Duclos, Sociologue


habiter/bruits
La risonanza delle briciole

C’è una distanza invalicabile tra la rappresentazione e il reale, ma la tensione è massima, il che permette alla nostra tradizione di sfruttare tutte le figure della presenza e dell’assenza. Cio’ non avrà mai dunque ne? Conoscevamo due maniere di mettere il reale in scatola. Il passaggio della forma è, in una frazione di secondo, per Cartier Bresson una tecnica dell’occhi : è la soggettività del fotografo che produce degli effetti di verità a partire da un’operazione di cattura nella quale il mondo resta un’esteriorità oggettiva. Al contrario, si può pensare che il reale e l’oggettività siano una sorta di verità propria dell’immagine, un lavoro interiore all’immagine stessa, nella durata che essa instaura (si può dire allora che un’immagine lavora allo stesso modo in cui si dice che un legno lavora). Nei due casi si è potuto fare un’immagine più vera del vero, a forza di trasfigurazione. Andava bene cosi. La «fotografia del reale», oggi, propone forse un ritorno al passato, una sorta di neo-naturalismo ? No. C’è piuttosto l’idea che la fotografia del reale non è né nella rappresentazione dell’autentico, una tecnica da fotografo dell’instantanea, né nell’autenticità della rappresentazione, una fotogenia in un certo senso autoreferenziata la cui pretensione oggi si sta visibilmente degradando.

Si è potuta cercare nella fotogra a la traccia del mondo oggettivo. Poi l’immagine ha coltivato la pretensione di erigere un nuovo mondo oggettivo. Un’altra oggettività a cui si rifaceva in special modo il dispositivo proposto da Jean François Chevrier e James Lingwood (Parigi-Prato, 1989, Idea-Books). Habiter les images di Massimiliano Marraffa ricorda, d’altra parte, il disordine ordinario di un Jean- Louis Garnell (Pluidor, 1987, 54 x 70 cm ; La veranda, 1987, nove fotografie a colori,23,5 x 29,5 cm), con la differenza che non ci si ritrovano né la stessa distanza né, alla fine, questo ordine di messinscena.

A un altro capo dello spettro, I Bruits de fond di Massimiliano Marraffa possono far pensare alle Nature morte di Yves Trémorin (D’ar ger, Rennes, Musée des Beaux Arts, 1999). Ma precisamente Trémorin imposta una ricerca « di genere » con la quale Marraffa propone di rompere. Trémorin é d’altronde troppo vicino al soggetto che ritaglia e distacca dal mondo in vista di innalzare « l’essere » inanimato dalla natura morta. Piuttosto che un approfondimento, Massimiliano Marraffa cerca un superamento del metodo riflessivo proprio di questa corrente oggettivante. Né ritorno all’oggettivismo, né ritorno ai processi ormai classici dell’oggettivazione, il suo lavoro sembra interessarsi all’obiezione che sembra sorgere dalla scena stessa, una specie di resistenza alla sua appropriazione da parte dell’immagine.

Vuol dire insomma, che le immagini ritengono l’obiezione del mondo. Ed è questa ritenzione, questa riserva che è presente nell’immagine sotto forma dei resti, delle tracce. In più dell’immagine della cosa fotografata, lo scatto rappresenta, attraverso un indizio, la resistenza della cosa alla prova fotografica, alla prova che la fotografia è capace di farle subire. La fotografia di Massimiliano Marraffa porta così un’attenzione sostenuta a tutto quello di cui non si può rendere conto precisamente ; essa ne cerca, in modo ponderato, degli equivalenti funzionali, allo scopo precisamente di far lavorare l’immagine.

La fotografia non rappresenta il reale, nè lo deve fare. Come giocare allora con la forza dell’immagine per attaccare la nostra percezione del mondo ? Bisogna, ci dice Massimiliano Marraffa, che ci sia un legame, interiore all’immagine, con il « di fuori » dell’immagine che divenga il suo rivelatore. Le teorie dell’informazione non sarebbero state più interessanti se avessero fatto del rumore il rivelatore del messaggio ? La traccia umida lasciata dalla melanzana sulla piastra del forno è ancor più della melanzana stessa, una scena completa. Ci troviamo in piena azione. Come contrario, io penso alle nature morte di Point it, al « picture dictionary » edito da DieterGraf Verlag dall’ingenuità deittica così caratteristica.

Nelle fotografie di Massimiliano Marraffa, invece che tutto sia perfetto, é necessario che un granello di sabbia impedisca di fare la « bella immagine ». Così facendo, il macchiato o lo sporco non hanno la funzione che avevano quando si ricercava un’altra oggettività. Alla ne, non si è più di tanto ossessionati dalla rottura con la bella immagine ; sebbene Marraffa sia cresciuto in questa rottura. Non c’è niente di nuovo a mostrare nello sporco, ma piuttosto qualcosa da far funzionare con il macchiato, che è del registro dell’azione, lo abbiamo detto, ma che, uscendo dal quadro, esprime soprattutto l’al-di-là dell’immagine. Il granello di sabbia è spesso letterale: dei piccoli rilievi, le briciole, dicono dell’azione del mangiare e dello sbriciolamento del pasto. Non si mangia in effetti, semplicemente apparecchiando una tavola, ma mangiando, cosa che degli oggetti troppo appariscenti, come la tazza in in primo piano, non saprebbero esprimere da soli.

Laurent Duclos, sociologo

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